Dès sa création, La Boucle documentaire a inscrit sa pensée et ses actions dans la perspective d’une décentralisation du secteur audiovisuel et cinéma. La fédération rassemble de manière inédite toutes les organisations professionnelles d’auteur·ices – réalisateur·ices des régions métropolitaines et de la Réunion, en plus des trois associations nationales (ACID, ADDOC, SRF), et constitue ainsi un terrain d’expertise particulièrement opérant pour ce qui concerne les écosystèmes régionaux.
Qu’il s’agisse de porter un regard éclairé sur les politiques publiques territoriales, d’en analyser les points communs ou au contraire les différences, la fédération bénéficie de son maillage territorial et de l’expérience très concrète de ses membres pour défendre et valoriser le soutien à la création documentaire.
Ainsi, en 2019 la Boucle documentaire avait effectué un travail de recensement et d’analyse des budgets consacrés à l’écriture et au développement dans les différentes régions, et préconisé, via un communiqué circonstancié, un renforcement des aides aux auteur·ices dans les territoires. Chaque association a pu se saisir de ce texte pour porter ses propres négociations au niveau régional.
En 2025, la Boucle s’est lancée dans une étude ambitieuse. Il s’agit d’un travail comparatif et analytique de l’ensemble des conventions de coopération triennales CNC – État – Région signées par toutes les régions de la Métropole et les DROM. Ces conventions articulent l’implication des différents signataires dans les politiques audiovisuelles et cinéma mises en place dans le territoire concerné, qu’il s’agisse de soutien à la création, d’éducation à l’image, d’attractivité, de diffusion ou de patrimoine. En s’emparant ainsi d’un outil majeur de structuration des politiques régionales, La Boucle souhaite apporter un éclairage du point de vue des auteurs et des autrices, et produire des préconisations dans la perspective des prochaines conventions qui seront signées en 2026.
La Boucle documentaire s’est formée en 2015 en tant que regroupement d’associations régionales et nationales dans un contexte où la faisabilité des documentaires de création à petit budget diffusés par les chaînes locales, se trouvait menacée. Invitée à la concertation ouverte par le CNC, La Boucle a contribué, aux côtés de la Scam, du collectif Nous sommes le documentaire, et des syndicats de producteurs, à une réforme des aides sélectives du CNC allant dans le sens d’un meilleur soutien public aux documentaires dits « fragiles ».
La Boucle est reconnue comme une interlocutrice incontournable et représentative des auteur·ices-réalisateur·ices dans les négociations touchant aux pratiques du secteur documentaire audiovisuel. Dans ce cadre, elle veille à la valorisation du travail des auteur·ices-réalisateur.ices pour que vive le documentaire de création, dans toute sa diversité de formes et de points de vue.
Elle a participé aux négociations ayant donné lieu à la Charte de bonnes pratiques, signée en 2022 avec France Télévisions et les syndicats de producteurs, qui affirme notamment la nécessité d’un consensus entre toutes les parties sur le montage final et oblige le diffuseur à s’assurer qu’un contrat liant le producteur et le réalisateur ou la réalisatrice a été signé. Elle a pris part aux négociations ayant abouti à la définition d’une enveloppe minimale dédiée à l’écriture du dossier documentaire (EME) avec les syndicats de producteurs, sous l’égide du CNC, en 2023.
Elle s’est ensuite engagée dans les négociations visant à établir, pour les réalisateur.ices, un salaire minimum journalier ainsi qu’un forfait global minimal (Enveloppe Minimale de Réalisation).
Le cinéma documentaire doit faire face à beaucoup d’enjeux, sous peine de disparaître ou de se restreindre autour de quelques œuvres tandis qu’il y a, paradoxalement une vraie émergence et une multiplicité de formes.
La Boucle Documentaire tente activement de faire valoir cette situation auprès des pouvoirs publics ainsi qu’auprès de toute la filière. En effet, structurellement, et sans doute aussi par manque de volonté et/ou de vision politique pour soutenir ce genre singulier du cinéma, le cinéma documentaire est de plus en plus fragilisé.
Depuis ses conditions de fabrication jusqu’à sa diffusion, ce cinéma se trouve de plus en plus marginalisé, même si certaines mises en avant lors de festivals prestigieux peuvent nous donner la vision en trompe l’œil du contraire. Les financements sont réduits, très sélectifs, et une forme de déséquilibre structurel perdure avec la fiction. À titre d’exemple, seulement une poignée de films pourra obtenir un préachat des chaînes de télévision et ils ne bénéficieront pas du crédit d’impôt. De plus, lors de leur fabrication, ils subissent une rupture d’égalité vis-à-vis de la fiction qui peut déroger à la convention collective dite Annexe 3 notamment et a ainsi la possibilité d’obtenir un agrément, ce qui aura un impact fort sur sa possibilité de trouver un distributeur.
Le documentaire est également mal représenté dans les commissions, comme par exemple à l’avance sur recette, et ses singularités sont particulièrement mal connues des décideurs. Enfin, la diffusion des films en salles est devenue encore plus compliquée et le nombre de salles qui programment le cinéma documentaire en dehors de la séance unique s’est considérablement réduit. Peu à peu nous assistons à une vie des films évènementialisée que doivent porter les réalisatrices et réalisateurs dans les salles.
Au sein de La Boucle, nous tentons d’agir et de proposer des solutions au financement de ce cinéma, aux questions structurelles, ainsi que celles liées à la diffusion.
Le groupe Liberté de création s’est constitué face à la multiplication des pressions et des interventions concernant les films documentaires, notamment au sein des commissions cinéma des conseils régionaux.
La Boucle documentaire mène un travail de veille, d’alerte et de soutien aux cinéastes censurés. Elle a constaté la multiplication des refus d’examen de certains projets ainsi que de menace ou de retrait effectif de leur subvention par les assemblées régionales, le plus souvent sous la pression de l’extrême droite.
Face à ces attaques méthodiques menées contre la création, La Boucle documentaire participe avec les autres organisations professionnelles (SCAM, SPI, Observatoire de la liberté de Création…) à la mise en place d’un front commun pour refuser ces censures et permettre l’exercice de cette liberté fondamentale.
La montée de l’extrême droite en France et l’arrivée au pouvoir d’une forme de totalitarisme décomplexé aux États-Unis ont amené la Boucle documentaire à réaffirmer la nature de ses engagements politiques.
Nos valeurs sont celles de la démocratie, de la justice, du respect des droits humains. Nous rejetons le racisme, le sexisme, les rapports de domination et de manière générale, toute forme de discrimination. Nous défendons le respect et la valorisation des différences. Nous croyons en la nécessité d’une information libre et éclairée, condition essentielle d’un débat public apaisé. Nous jugeons essentielles la préservation des libertés fondamentales et la défense de l’État de droit.
Le documentaire de création qui nous unit se nourrit de ces valeurs. Il va à la rencontre de l’autre, de sa singularité et participe au travail nécessaire de déconstruction des stéréotypes et des idées reçues. Il est l’allié d’une pensée complexe, nuancée, loin de la polarisation binaire à l’œuvre aujourd’hui. Il est, par essence, politique.
L’urgence actuelle nous appelle à agir concrètement pour défendre ces valeurs. Nous travaillons donc à la production de récits sincères, loin des opérations de communication et de manipulation menées notamment par l’extrême droite, qui inondent l’espace médiatique et numérique. C’est dans cet esprit que nous avons proposé une série de courts plans-séquences sensibles et engagés, à destination des réseaux sociaux et appelés Minutes Lumière, en référence aux plans inauguraux du cinéma, filmés par les frères Lumière, afin d’appeler à filmer librement l’égalité et l’adelphité.
C’est toujours dans cet esprit que nous nous mettrons en réseau avec d’autres acteurs et actrices en lutte pour les valeurs démocratiques et continuerons à créer et diffuser de courts films sensibles et engagés.
Pour que la joie de la découverte, de la rencontre, du partage ne s’efface pas devant la peur de l’autre, et que jamais l’extrême droite ne décide de nos vies.
La Boucle documentaire a engagé une réflexion approfondie sur les enjeux liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la création de films documentaires.
Bien qu’encore en cours d’élaboration, cette réflexion s’articule pour l’instant autour de deux principes fondamentaux :
– La primauté du regard des auteur·ice·s sur toute automatisation des choix artistiques ;
– La défense, auprès de la SCAM, des droits des auteur·ice·s face à l’utilisation non concertée de leurs œuvres par les opérateurs d’intelligence artificielle.